Un plus bio « manger bio, c’est politique »

Un plus bio « manger bio, c’est politique »

Depuis plus de quinze ans, l’association nationale Un plus bio fédère les acteurs et les territoires qui sont impliqués dans le développement d’une alimentation bio, de qualité, et durable dans les cantines.

Dans le cadre de la loi agriculture et alimentation (EGalim), la restauration collective (RC) publique doit introduire au moins 20 % de produits bio (en valeur) dans les repas des convives d’ici le 1er janvier 2022. Mais est-il possible d’atteindre cet objectif alors qu’en 2015 les produits bio ne représentaient que 3,2 % des achats1 de la RC ? Au sein d’Un plus bio, une association nationale dédiée à la RC basée à Nîmes (Gard), les changements de pratiques vers une alimentation plus saine et durable, en introduisant notamment des produits bio et locaux, sont valorisés
et partagés depuis 2002. Aujourd’hui, l’association fédère près de 90 adhérents, principalement des collectivités en gestion directe comme les villes de Briançon (Hautes-Alpes) et de Lons-le-Saunier (Jura). À Briançon, 630 repas sont préparés par jour (dont 500 pour des enfants) avec près de 61 % de produits bio dont 79 % locaux (2018). À Lons-le-Saunier, 7 000 repas sont servis quotidiennement (dont 3 400 à des enfants), avec 25 % de produits bio et 10 % de produits locaux non bio.

Lutter contre les idées reçues

Pour favoriser les échanges de bonnes pratiques, l’association, qui compte trois salariés et s’appuie sur plusieurs partenaires (Écocert, Agores, Centre Lascaux sur les transitions), mène différents types d’actions. Elle organise notamment les Victoires des cantines rebelles où elle récompense des acteurs des territoires pour leurs initiatives. Elle réunit par ailleurs deux fois par an son Club des territoires qui compte une centaine de membres (communes, intercommunalités…). « Nous nous sommes aperçus que le dénominateur commun des dispositifs mis en place par les collectivités était le portage politique. Manger bio, c’est politique. En 2013, nous avons donc donné une place aux élus en créant le Club des territoires », justifie Stéphane Veyrat, directeur d’Un plus bio. À Lons-le-Saunier, par exemple, cette volonté politique d’approvisionnement local et bio date d’une vingtaine d’années (au départ pour préserver les zones de captage en eau en participant au passage en bio d’agriculteurs).

Des groupements d’achat

Depuis 2016, Un plus bio anime également l’Observatoire national de la restauration collective bio et durable2. Cet outil, qui se veut au service des politiques publiques alimentaires, a été créé au départ pour lutter contre certaines idées reçues autour du bio et du local en RC. La première concernait le prix. Dans le cadre de l’enquête 2018, à laquelle 239 collectivités ont participé, l’association a ainsi pu montrer qu’avec un coût des matières première moyen de 1,88 € par repas, il était possible d’introduire 32 % de produits bio. Pour équilibrer leur budget, les cantines jouent sur plusieurs leviers : avant tout la lutte contre le gaspillage alimentaire, puis la diversification des protéines dans les menus, le travail de davantage de produits bruts et la formation des équipes de cuisine.

« La deuxième idée reçue est liée à l’origine des produits bio. On pense qu’ils sont importés or, 60 % des produits bio sont locaux », insiste Stéphane Veyrat. Mais comment favoriser l’approvisionnement local ? Plusieurs pistes d’action sont proposées dans l’Observatoire avec, en premier lieu, la mise en place d’installations pour valoriser les produits telles que les légumeries. À Lons-le-Saunier et Briançon, les restaurants disposent de ces espaces où peuvent être stockés et transformés les produits bruts. « En 2013, la légumerie existait déjà mais il a fallu ressortir le matériel, racheter un robot multicoupe pour faire des carottes râpées », évoque Nathalie Allamanno, responsable du restaurant de Briançon.

Les plateformes collectives d’approvisionnement – gérées majoritairement par des producteurs – sont un autre moyen cité dans l’étude. Au début de son projet, le restaurant de Briançon a eu la chance qu’une telle structure soit mise en place par des agriculteurs des Hautes-Alpes. « Nous avons commencé à acheter des pommes, des poires, des carottes, des poireaux. (…) Nous avons débuté avec des produits laitiers fermiers locaux mais pas
bio », se rappelle Nathalie Allamanno. Au fur et à mesure, de nouveaux produits se sont rajoutés à la liste. La plateforme a vu son contrat renouvelé dans le cadre de marché public lancé tous les quatre ans.

Des opportunités pour les producteurs

Enfin, les groupements d’achat sont le troisième outil à être mis en avant. À Lons-le-Saunier, Didier Thévenet, directeur de la restauration, explique qu’ils ont ainsi incité des agriculteurs à monter une association, rassemblant à présent 48 exploitants, afin de faciliter les approvisionnements. Cette collectivité est par ailleurs impliquée dans la création de filières (blé, légumes...) et leur sécurisation avec la mise en place de contrats pluriannuels. « Depuis vingt ans, je vais à la rencontre des agriculteurs pour que nous comprenions les difficultés de chacun », souligne-t-il. De son côté, Stéphane Veyrat confirme que, pour trouver des fournisseurs bio et locaux, « le premier travail à faire est de permettre aux acteurs du territoire de se reparler pour qu’ils puissent se connaître, imaginer des collaborations et travailler autour de leurs complémentarités ». Dans certaines filières, notamment celle des fruits et légumes, il estime que de véritables opportunités existent pour les producteurs : « Quand les besoins sont clarifiés, la qualité gustative au rendez-vous, la RC peut entendre que les calibres sont hétérogènes, les lots disparates. (…) Aujourd’hui, les produits qualifiés de déclassés dans le système commercial traditionnel sont des produits acceptables par la RC. »

—— Caroline EVEN (Tribune Verte 2920)
(1) Observatoire 2016 des produits bio en RC – Agence bio.
(2) Observatoire.unplusbio.org

Diplôme universitaire DEVENIR CHEF DE PROJET EN ALIMENTATION DURABLE

Afin de favoriser l’émergence de projets d’alimentation durable à l’échelle d’un territoire, notamment par le biais de la restauration collective, un diplôme universitaire (DU) chef de projet en alimentation durable option collectivité territoriale a été mis en place en janvier 2018 par l’Université Côte d’Azur, en collaboration avec Un plus bio et la ville de Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes). Ce DU s’appuie notamment sur l’expérience de cette commune, adhérente à l’association Un plus bio, qui propose une restauration scolaire 100 % bio. Ce parcours (accessible en formation initiale ou continue) s’adresse aux élus, agents territoriaux et étudiants (minimum bac + 3). Il se déroule en plusieurs phases, avec au total 15 jours de cours à Mouans-Sartoux et 19 semaines de stage en collectivité.
Pour en savoir plus : univ-cotedazur.fr

Écocert : LE LABEL « EN CUISINE »

En 2013, l’organisme de contrôle et de certification Écocert a lancé le référentiel « En cuisine » dédié à la restauration collective, qui vise plus particulièrement à favoriser l’introduction de produits biologiques et locaux. « Il prend en compte les enjeux sociétaux, environnementaux et de santé publique des établissements de la  restauration collective en trois niveaux de labellisation », indique l’organisme. Au niveau 1, le cahier des charges exige par exemple qu’au moins 10 % des approvisionnements alimentaires soient biologiques. Au niveau 2, le seuil est de 30 % puis il passe à 50 % au niveau 3. La provenance des aliments, la qualité de la nutrition et la gestion environnementale de l’activité de restauration sont également évaluées dans le cadre du référentiel.