- Horticulture

Un parfum de renaissance pour les fleurs de Grasse

Un parfum de renaissance pour les fleurs de Grasse

Les plus grands parfumeurs reconnaissent l’excellence d’une filière française nichée au Pays de Grasse, dans les Alpes-Maritimes. Les producteurs de plantes à parfum ont connu leurs hauts et leurs bas mais, depuis une quinzaine d’années, l’engouement pour les fragrances naturelles made in France reprend de plus belle.

Rose centifolia, jasmin grandiflorum, iris, fleur d’oranger, mimosa… Autant de fleurs dont les senteurs enivrantes sont le véritable graal des plus grands parfumeurs. Depuis une quinzaine d’années, les fragrances naturelles produites en Pays de Grasse, dans les Alpes-Maritimes, suscitent un fort engouement des maisons comme Dior et Chanel. Pourtant, cela n’a pas toujours été le cas puisque les producteurs de plantes à parfum de la région avaient quasiment disparu dans les années 2000.

L’arrivée des matières premières synthétiques bon marché, la délocalisation de la production à moindre coût à l’étranger et la forte pression immobilière en Côte d’Azur provoquent le déclin de ce métier emblématique à partir des années 1980. Les producteurs locaux cessent progressivement, qui perd de l’intérêt des industriels et la plupart vendent leurs terres pour de la construction immobilière. Seule une poignée d’agriculteurs persiste grâce à une petite demande sur les fragrances naturelles.

Quarante producteurs de plantes à parfum

Dans les années 2000, deux producteurs grassois se mobilisent pour sauver leur métier, les cultures locales et revaloriser leurs productions sur le marché des ingrédients naturels. « En 2007, lors d’une conférence à Cannes au Salon World perfumery congress, une productrice a présenté son métier et son savoir-faire pour sensibiliser les parfumeurs aux productions locales », raconte Armelle Janody, productrice et présidente de l’association Les fleurs d’exception du Pays de Grasse. Son discours séduit tellement un parfumeur de grande marque qu’ils finissent par contractualiser ! S’ensuit alors toute une dynamique, avec des contrats pour plusieurs producteurs grassois. Ainsi, depuis sa création en 2009, l’association atteint aujourd’hui 40 producteurs de plantes à parfum, dont 24 exploitations créées de toutes pièces. « La demande en fleurs ayant augmenté, il a fallu aider les agriculteurs à s’installer en plantes à parfum, explique Armelle Janody. Il fallait s’organiser pour transmettre les savoir-faire et pour trouver des plants puisque la filière avait presque disparu. Nous avons donc créé une pépinière collective au sud de Grasse, appelée Aromatic FabLab, pour fournir des plants bio aux agriculteurs. »

Le bio est un critère d’éligibilité au sein de l’association. « Nous souhaitons aller encore plus loin, vers une agriculture la plus résiliente possible », précise la présidente de l’association. En effet, l’association a développé des formations pour les agriculteurs dont un cycle sur l’agriculture régénérative. Elle n’est pas certifiante mais permet de valider des compétences. D’autre part, afin de faciliter l’accès à l’emploi local, l’association a développé le Pass saisonniers, en partenariat avec France Travail. Ce pass propose de former une main-d’oeuvre saisonnière aux plantes à parfum, au sein du FabLab qui organise ce transfert de savoir-faire.

Un marché de niche

En 2018, les savoir-faire liés au parfum en Pays de Grasse ont même été inscrits au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, ce qui a mis un véritable coup de projecteur sur les productions du territoire ! De plus, en 2020, l’absolue du Pays de Grasse obtient une indication géographique (IG). « Nous avons une typicité de produit particulière, décrit Armelle Janody. Comme la vigne : les plantes à fleurs sont l’expression de leur terroir. » Ainsi, l’IG reconnaît la qualité unique des absolues grassoises, issues de deux savoir-faire du territoire : celui des producteurs de plantes à parfum et celui des industriels transformateurs. « Nous sommes dans une dynamique économique nouvelle et, pour l’instant, nous ne  répondons pas encore à la demande des industriels qui ne cesse d’augmenter, nuance la présidente de l’association. Toutefois, nous travaillons surtout pour un marché de niche, destiné aux maisons de luxe. Nous n’avons pas vocation à concurrencer les autres pays producteurs, comme l’Égypte ou la Bulgarie ! »

— Amélie DI BELLA (Tribune Verte 3040)