RSE Les salariés handicapés en mal de progression

RSE Les salariés handicapés en mal de progression

Si les salariés handicapés s’intègrent aujourd’hui facilement dans les entreprises, leurs évolutions de carrière y sont souvent ralenties.
C’est ce que révèle le premier baromètre « Handicap et emploi » réalisé par le cabinet Occurrence et par l’agence Inspirience à l’occasion du Salon Handicap, emploi et achats responsables, organisé le 28 mai à Paris.

La bonne nouvelle : le handicap s’assume de plus en plus dans le monde professionnel. La mauvaise : malgré leur implication, ces salariés tendent à être les grands oubliés des plans d’évolution de carrière. Côté visibilité, l’époque où le handicap se vivait caché est révolue. Ainsi, 70 % des sondés du baromètre « Handicap et emploi » indiquent avoir informé leur employeur de leur état, que leur handicap soit visible ou invisible. 78 % ont effectué la démarche d’une reconnaissance professionnelle de leur handicap et 66 % l’ont obtenue. 79 % ont opté pour une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), un statut qui permet à ces travailleurs d’accéder à la palette de services des réseaux Cap emploi (formation, etc.), aux aides de l’Agefiph, aux services d’aide du maintien dans l’emploi des handicapés (Sameth) ou au marché de l’emploi protégé. Interrogés sur leurs motivations à dévoiler leur situation, 47 % des répondants indiquent en avoir fait état auprès de leur hiérarchie par besoin d’un poste de travail aménagé (56 % chez ceux disposant de la RQTH). Pouvoir travailler dans un environnement adapté constitue d’ailleurs la première revendication exprimée par les salariés handicapés (68 %). Loin devant l’aménagement du rythme de travail (37 %) ou des horaires (36 %).

À en croire les résultats du baromètre, la libération de la parole en entreprise sur le sujet du handicap est une réalité. Parmi ceux qui acceptent d’évoquer le sujet, 72 % le font avec leurs collègues, 70 % avec leur hiérarchie et 68 % avec les acteurs du handicap (lorsqu’il y en a). En revanche, ils ne sont que 37 % à se tourner vers leurs instances représentatives du personnel pour en parler. Quant à la médecine du travail… elle n’est quasiment jamais citée comme interlocuteur potentiel. Toutefois, 30 % des concernés avouent ne pas aborder le sujet sur le lieu de travail. Leurs réticences s’expliquent essentiellement (pour 60 % d’entre eux) par le fait qu’à leurs yeux « il ne s’agit pas d’un sujet professionnel ».

86 % « intégrés à l’équipe »

En définitive, les salariés en situation de handicap semblent à l’aise dans leur situation professionnelle. 67 % d’entre eux jugent facile leur intégration dans l’entreprise, et 26 % l’estiment très facile dès lors qu’ils évoluent dans une grande entreprise. 86 % se disent « intégrés à l’équipe comme n’importe quel collègue » , 80 % s’affirment « reconnus pour leurs compétences » et 79 % « rémunérés au même niveau que n’importe quelle personne valide ». Idyllique ? Pas vraiment, car les salariés handicapés ne manquent pas de griefs à l’égard de leurs employeurs. Notamment, celui de ne pas leur faciliter la vie. Si 73 % des sondés jugent ainsi que leur entreprise a pris des mesures favorisant leur intégration, ils sont 41 % à ne les trouver que « partielles ». Ils ne sont, dans le même temps, que 18 % à se dire « très satisfaits » des actions menées en faveur du handicap par leurs employeurs, et seulement 17 % à estimer favorablement la prise en compte du handicap par l’entreprise.

Première revendication : la formation

Mais surtout, les salariés handicapés ne se sentent pas tirés vers le haut. Près des deux tiers indiquent ne pas se sentir accompagnés dans leur progression de carrière. Pour preuve, ils ne sont que 31 % à avoir reçu des formations au management, 19 % au leadership et à l’esprit d’entreprise et autant à l’animation d’équipe. Et pas de quoi faire émerger des vocations de managers parmi les salariés en situation de handicap. Pourtant, « nous constatons chez les sondés cette envie d’évoluer, d’être formés… des attentes légitimes et identiques à celles des autres employés », souligne Grégoire Decaux, directeur d’Inspirience. D’ailleurs, inscrits dans une vraie dynamique de performance professionnelle, la formation est leur première revendication. Ils sont ainsi 30 % à réclamer davantage d’opportunités pour se former et pour prendre du galon. « Il existe un vrai écart entre le fort engagement des répondants et celui de leur entreprise pour leur intégration », déplore Occurrence. Reste à savoir comment le combler.

—— Benjamin D’ALGUERRE (Tribune Verte 2917)

Accessibilité des sites Internet : MISE EN CONFORMITÉ DES GRANDES ENTREPRISES

Un décret paru le 25 juillet dernier fixe aux entreprises dont le chiffre d’affaires annuel dépasse les 250 millions d’euros un délai d’un an pour rendre leur site Internet accessible aux personnes handicapées. Les dispositions du décret entreront en vigueur à partir  de cet automne, selon le calendrier suivant :

  • à compter du 23 septembre 2019, sont concernés les sites Internet, Intranet et extranet créés depuis le 23 septembre 2018 ;
  • à compter du 23 septembre 2020, sont concernés les sites Internet, Intranet et extranet créés avant le 23 septembre 2018 ;
  • à compter du 23 juin 2021, sont concernés les applications mobiles, les progiciels et le mobilier urbain numérique.

Trois questions à… « ILS NE SONT PAS PRIORITAIRES POUR LES POSTES MANAGÉRIAUX »

Sophie Rouxel, commissaire général du Salon Handicap, emploi et achats responsables

Comment jugez-vous le résultat de cette première enquête sur l’emploi des handicapés ?
Le baromètre révèle un paradoxe. Les salariés handicapés affirment s’intégrer facilement dans l’entreprise… Mais pas uniquement grâce à elle ! Les deux tiers des sondés s’estiment à leur place dans les équipes, mais ils ne sont que 20 % à juger que leurs employeurs les aident dans leur progression professionnelle. Ils ne sont pas prioritaires pour les postes managériaux. Il y a donc un véritable enjeu sur l’accompagnement, sur la formation et sur l’évolution des salariés en situation de handicap. Nous espérons profiter du Salon pour sensibiliser les DRH et les managers à cette question. D’un autre côté, les premiers entretiens professionnels au cours desquels les employeurs seront tenus d’apporter une réponse aux désirs d’évolution de leurs salariés auront lieu en 2021. Ce sera peut-être l’occasion de faire bouger les choses.

Il est surprenant que les IRP ou la médecine du travail soient si peu identifiées comme des interlocuteurs par ces salariés…
La médecine du travail n’est effectivement pas citée par les répondants ! Cela peut s’expliquer par le fait qu’un salarié ayant déjà obtenu sa RQTH n’a pas vraiment de raison d’évoquer le sujet de son handicap avec son médecin du travail au-delà des questions de circonstances. La faible représentation des IRP dans les réponses des sondés, en revanche, nous a beaucoup plus interpellés. La formation des représentants du personnel à la question du handicap est un sujet récurrent, ce qui explique peut-être le peu de recours des salariés handicapés aux élus.

—— Propos recueillis par Benjamin D’ALGUERRE