Pourquoi les DRH doivent-ils se saisir du levier de l’intrapreneuriat ?

Pourquoi les DRH doivent-ils se saisir du levier de l’intrapreneuriat ?

Au-delà des enjeux d’innovation, l’intrapreneuriat est un levier puissant de détection et de rétention des talents. Cette approche renforce également la marque employeur d’une entreprise.

Le concept d’intrapreneuriat n’est pas nouveau. Il y a plus trente ans, la compagnie 3M a découvert son fameux postit en laissant un employé aller au bout de son idée. Pour rappel, l’intrapreneuriat consiste à accompagner un collaborateur dans la création d’un produit ou d’un service innovant au sein même de l’entreprise. Il bénéficie d’un temps alloué pour développer son projet tout en conservant son statut de salarié. Soit la création d’entreprise sans les risques. Si la crise de la Covid-19 peut geler des programmes ou décaler leur lancement, l’intrapreneuriat constitue une tendance de fond, en apportant l’une des réponses aux grandes transformations de notre époque, notamment numérique et écologique.

Lors du lancement, en mai dernier, de la quatrième édition d’InVivo Quest, son programme d’open innovation, InVivo estimait même que la crise sanitaire « nous presse à évoluer plus rapidement encore vers des modèles de production et de consommation plus résilients, plus responsables, tout en restant économiquement rentables ». Le groupe coopératif agricole évoque notamment le recours à la blockchain pour assurer une meilleure traçabilité alimentaire.

Si le mouvement de l’intrapreneuriat a démarré chez les grands comptes comme le Crédit agricole, Danone, Total ou Air Liquide, des ETI mettent également en place des programmes dédiés. Spécialiste du sujet, CreateRocks met à jour régulièrement sur son blog une cartographie de ces entreprises innovantes.

Révéler des compétences cachées

Si l’intérêt de l’intrapreneuriat comme levier de transformation économique saute aux yeux, il ne faudrait pas occulter sa dimension RH, au moins tout aussi importante. Il s’agit tout d’abord d’un facteur d’attractivité qui renforce la marque employeur d’une entreprise. Comme le montre le sondage Allianz/Ifop (lire ci-dessous), les futurs jeunes diplômés tiendront compte de l’existence d’un tel programme dans leurs critères de recherche d’emploi.

L’intrapreneuriat répond aux aspirations des actifs de la génération Z en quête de sens et d’épanouissement personnel. Un moyen pour les entreprises traditionnelles d’attirer à elles ces talents qui, pour certains d’entre eux, iraient sinon rallier une start-up. Dans le secteur de l’agroalimentaire, un programme peut également rejoindre la volonté des jeunes diplômés de répondre par l’innovation aux grandes problématiques sociales et environnementales du moment.

En ce qui concerne les salariés en poste, l’intrapreneuriat est un levier de détection et de rétention des talents. Un programme permet à certains individus de révéler des compétences cachées alors qu’ils n’avaient pas été identifiés comme des hauts potentiels. C’est aussi un moyen de retenir des employés dont l’envie d’entreprendre pourrait les inciter à partir pour tenter en solo l’aventure de la création d’entreprise. D’autres collaborateurs peuvent également voir l’intrapreneuriat comme un accélérateur de carrière espérant, dans le cas d’un succès,une promotion ou une revalorisation salariale. À défaut, ils se seront fait remarquer par le top management. Enfin, l’intrapreneuriat favorise les échanges transverses entre les différents services. Dans le cadre des projets incubés, des personnes de divers métiers et horizons professionnels sont amenés à échanger, ce qui favorise l’engagement et la cohésion d’équipe. Pour ne pas briser ce cercle vertueux, la DRH veillera à accompagner, par des actions de coaching et de formation, le porteur de projet qui devra faire face à un surcroît d’activité et de stress.

Il s’agit aussi de poser, dès le début, les conditions du retour du salarié à son poste d’origine. Retourner au « traintrain » quotidien peut être difficile à négocier après avoir vécu une période exaltante. En cas d’échec, l’ex-intrapreneur peut aussi se sentir fragilisé au sein de son entreprise. Autant d’éléments contre-productifs à anticiper.

—— Xavier BISEUL (Tribune Verte 2946)

L’INTRAPRENEURIAT, FACTEUR D’ATTRACTIVITÉ AUPRÈS DES FUTURS JEUNES DIPLÔMÉS

En mai 2019, Allianz France, avec l’institut de sondages Ifop a interrogé des étudiants pour connaître leur vision de l’intrapreneuriat. Il en ressort que si 59 % d’entre eux n’ont jamais entendu parler de l’intrapreneuriat, 95 % en ont une bonne image une fois le concept expliqué. 67 % des étudiants interrogés affirment même qu’ils seront plus sensibles, dans leur recherche d’emploi, aux entreprises proposant une démarche d’intrapreneuriat.

« L’INTRAPRENEURIAT RÉPOND À DES AMBITIONS À LA FOIS RH ET BUSINESS » Céline Degreef, PDG de l’éditeur Yumana

Quels sont les prérequis au lancement d’un programme d’intrapreneuriat ?
Céline Degreef : Les cadres intermédiaires doivent accepter l’idée que des membres de leur équipe peuvent les quitter pour rejoindre le programme d’intrapreneuriat. Par ailleurs, les objectifs du programme doivent être alignés à ceux de l’entreprise. L’intrapreneuriat répond à deux ambitions: il y a d’un côté, celle inhérente aux ressources humaines, avec l’introduction de changements culturels, de nouveaux modes de collaboration, et de l’autre, celle davantage axée sur le business. Cette démarche doit permettre de développer de nouveaux services et produits, de rompre avec des modèles économiques existants. L’un ne va pas sans l’autre. S’il n’y a que le volet RH, l’investissement consenti est difficile à justifier dans le temps. S’il n’y a que le volet business, une entreprise a tout intérêt à travailler avec un écosystème de start-up.

Quel est le degré d’implication de la DRH ?
C. D. : La direction des ressources humaines est impliquée dès la conception du programme. L’intrapreneuriat aura des impacts sur le contrat de travail, sur l’organisation de l’entreprise. C’est aussi un levier d’attractivité et de rétention des talents. En externe, communiquer sur le programme renforce la marque employeur. En interne, les intrapreneurs développent de nouvelles compétences, ce qui peut favoriser, par la suite, leur mobilité interne. En pitchant devant le Comex, ils se feront remarquer par le top management.

Quelles sont les conditions du détachement ?
C. D. : Certaines entreprises ne détachent pas complètement  l’intrapreneur de son poste. Il consacre 20, 40 ou 60 % de son temps au projet. Dans d’autres, comme La Poste, il y est à 100 %. Il faut alors prévoir dès le départ les conditions du retour, sachant que seul un projet sur huit voit le jour. En cas de succès, l’intrapreneur peut être appelé à diriger la nouvelle entité ou à créer un spin-off. Dans le cas contraire, que se passe-t-il ? Remettre l’intrapreneur à son poste d’origine sans suivi présente le risque de le perdre. Il a vécu une situation exceptionnelle qui peut éventuellement être valorisée par une promotion ou par une mobilité interne.