Nathalie MAUSSION, éleveuse de chèvres. "Grâce aux stages, j'ai acquis une véritable expérience"
Née dans une famille d’éleveurs laitiers, Nathalie Maussion repend une exploitation de 37 ha et se lance dans la production de lait de chèvre à 24 ans.
Âgée de 24 ans, Nathalie Maussion est installée, seule, comme productrice de lait de chèvre depuis le 1er mai 2017. La chèvrerie neuve accueille 220 chèvres et fait office aussi de laiterie et de nurserie. Native du Maine-et-Loire et basée à Loiré, une commune à l’est du département, elle n’a apparemment pas trop de mal à convaincre son banquier de lui octroyer un prêt. Le marché du lait de chèvre bio est en pleine expansion, un critère auquel les financeurs ne sont pas insensibles. Par ailleurs, ses parents, éleveurs de vaches laitières dans la même commune, intègrent le
projet, au moins au démarrage. Déjà équipés d’un séchoir à foin en grange, ils pourront en faire profiter leur fille. Et enfin, un argument de poids, Nathalie Maussion, malgré son jeune âge, a déjà acquis une solide expérience en la matière. « Très tôt, affirme-t-elle, j’ai su que je voulais travailler dans l’agriculture. Au départ, je pensais m’occuper de vaches laitières, comme mes parents. Mais un stage de découverte de deux semaines, durant mon année de seconde technologique à l’école de Pouillé (49), a changé la donne. Je voulais juste découvrir autre chose et j’ai suivi ce que me disent souvent mes parents : qu’il faut toujours aller voir ailleurs. J’ai donc opté pour une exploitation caprine. »
Premier stage à 15 ans
À 15 ans, elle commence à apprivoiser les chèvres. « Ce sont des animaux plus familiers que les vaches, décrit-elle. Nous pouvons plus facilement les manipuler que des bovins. Et les chèvres sont plus joueuses aussi. Mais elles sont exigeantes. Nous n’avons pas le droit à l’erreur. Elles sont, par exemple, très sensibles au courant d’air ou à la qualité alimentaire de leur fourrage. » Le stage en lui-même ne l’a pas vraiment emballée. La considérant encore trop jeune sans doute, les exploitants limitent son travail à l’entretien
dans l’atelier de transformation. Logée et nourrie dans cette exploitation, elle a trouvé l’adresse grâce à une amie, technicienne
caprine à la chambre d’agriculture. Nathalie Maussion va progressivement acquérir de l’expérience grâce aux six stages ou apprentissages effectués avant l’installation. « Après cette première expérience, j’ai toujours opté pour des stages dans des
exploitations caprines. »
Le second stage l’enchante. En terminale STAV (Sciences et technologie de l’agronomie et du vivant), elle part cinq semaines près de Limoges, à Saint-Jouvent. L’exploitation qui transforme le lait de chèvre est accueillante. La jeune fille participe aussi bien à la fabrication du fromage qu’à la conduite du troupeau. Dans son rapport de stage, au volet projet d’amélioration de l’exploitation, Nathalie Maussion traite du séchage en grange, un investissement dont parlaient les exploitants.
Peu de cours sur les chèvres en formation initiale
Les stages revêtent ainsi une importance stratégique pour la jeune éleveuse. Durant sa formation initiale, elle n’apprendra que peu de choses sur l’élevage de chèvres. Les cours sont essentiellement orientés vers l’espèce bovine. « Quand j’étais en BTS ACSE (Analyse et conduite de systèmes d’exploitation) à l’École supérieure d’agriculture d’Angers (ESA), un seul d’entre nous avait l’intention de s’installer en chèvre. » Les huit semaines de stage entrepris durant sa formation en BTS la conduisent à La Salle-et-Chapelle-Aubry (49). Elle approfondit ses connaissances sur la génétique et sur l’alimentation du troupeau (600 chèvres) : « Chaque élevage a ses pratiques en matière d’insémination. Certains préfèrent une reproduction par lot avec un bouc, d’autres l’insémination artificielle. Certains éleveurs font partie du schéma de sélection caprin français pour, par exemple, tester des boucs et évaluer leur potentiel. »
Le stage à l’étranger, obligatoire entre la première et la seconde année en BTS, s’effectue en Irlande. Exception à la règle, il s’agit d’un élevage de moutons. « J’y suis allée, argumente-t-elle, car je voulais découvrir ce pays, perfectionner mon anglais et expérimenter d’autres manières de fonctionner, m’ouvrir à d’autres horizons. » L’adresse sur Internet a été d’autant plus facile à dénicher que l’exploitation gérait aussi une ferme auberge. Et une étudiante ingénieur à l’ESA avait déjà effectué un séjour sur place.
Son cursus se termine par un certificat de spécialisation
Pour perfectionner ses connaissances caprines, Nathalie Maussion poursuit ses études après le BTS pour obtenir un certificat de spécialisation (CS). Le diplôme est obtenu à Melle (79), au Centre départementale de formation des apprentis agricoles (CDFAA). Le cursus comprend la conduite d’un élevage caprin, la transformation et la commercialisation des produits de chèvres. L’apprentissage s’effectue près de chez elle, à Cabri-d’Anjou, sur la commune de Chemillé (49), dans une ferme bio de 500 chèvres qui transforme et commercialise ses fromages dans les grandes surfaces. « Je la connaissais déjà de nom, précise l’éleveuse. La filière est petite. Le bouche à oreille fonctionne bien. C’est ainsi que je découvre la bio et la conduite du séchage en grange en caprin, qui se mettait en place sur l’exploitation. » Les échanges sont fructueux entre les maîtres d’apprentissage et la future exploitante. « Nous échangions à la fois sur la ration à mettre en place avec du foin séché en grange, se rappelle-t-elle, et sur le projet d’installation qui commençait à mûrir dans ma tête. »
Son diplôme en poche, l’éleveuse part travailler à Saint-Jouvent, sur l’exploitation qui l’avait déjà accueillie en terminale. Elle trait les chèvres matin et soir et participe à la fabrication du
fromage.
Après quelques mois, Nathalie Maussion part au Québec. Elle passera quinze mois dans une ferme de taille moyenne de 180 chèvres. « J’avais entendu parler de ce pays par mon père qui y avait séjourné un an, raconte-t-elle. Les pratiques ressemblent beaucoup aux nôtres. Pour améliorer leurs troupeaux, les Canadiens
commencent à importer certaines semences de boucs français. La grosse différence, c’est le climat. Les bâtiments sont conçus pour supporter les hivers froids. »
L’installation après un travail au Canada
Là aussi les échanges sont profitables aux deux protagonistes. Pour trouver cette exploitation, Nathalie Maussion s’informe sur le site de « La chèvre du Québec ». Son voyage se prépare avec l’association Odyssée agri, basée en Mayenne. Cette dernière s’occupe des démarches administratives, notamment de l’octroi du permis de travail pour un coût assez abordable de 300 euros. Au Québec, elle est logée, nourrie, blanchie et dédommagée à hauteur
de 150 euros par semaine. Là aussi, les échanges sont riches.
De retour en France en septembre 2016, l’éleveuse commence ses démarches d’installation. Elle reprend une ferme et commence la conversion en bio des 37 ha de terres en location. Pour dessiner elle-même les bâtiments qui seront construits dès avril 2017, elle s’inspire des visites effectuées chez quelques éleveurs français. En février 2018, Nathalie Maussion trait ses premières chèvres après avoir acheté 220 chevrettes en juillet 2017. « Dès la conception, j’ai proposé mon projet à la laiterie Gaborit, basée à Maulévrier (49), qui l’a accepté. Seule, je ne pouvais pas transformer le lait sur la ferme. »
—— Marie-Dominique GUIHARD (Tribune Verte n°2901)
Bio express
2009 : premier stage dans une exploitation caprine
2011 : découverte de la production et transformation caprine en terminale, bac STAV
2012-2013 : stage BTS ACSE
2013-2014 : apprentissage et Certificat de spécialisation à Melle (79)
2015 : employée dans une exploitation en Limousin et départ pour le Québec
2016 : démarche pour l’installation
1er mai 2017 : installation
Février 2018 : première traite