Les grandes tendances RH pour 2022

Les grandes tendances RH pour 2022

Alors que la crise sanitaire s’éternise, les DRH devront répondre cette année aux grandes interrogations autour du travail en mode hybride et de l’engagement collaborateur. Tout un programme.

Est-ce que la grande vague de démissions va traverser l’Atlantique ? Baptisé « Big Quit » ou « Great Resignation », le phénomène touche de plein fouet les États-Unis. Plus de 4,5 millions d’Américains ont quitté leur emploi durant le seul mois de novembre. La pandémie a requestionné la quête de sens au travail tout en desserrant les liens unissant le salarié et son employeur avec la généralisation du télétravail.

Selon une étude réalisée pour Microsoft, il semble que les salariés français soient dans la même disposition d’esprit que leurs collègues américains. En 2022, tout l’enjeu pour les DRH sera donc de travailler à la rétention des talents tout en trouvant un équilibre harmonieux entre travail à distance et en présentiel. La même étude montre, en effet, que les salariés souhaitent conserver la flexibilité gagnée avec le télétravail tout en retrouvant les moments de convivialité qu’ils avaient avec leurs collègues avant la crise. Les pots au bureau ou les petits-déjeuners chouquettes semblent particulièrement manquer, l’ambiance au travail jouant un rôle primordial dans l’attachement qu’ils éprouvent pour leur entreprise.

Comment maintenir ce lien social alors que les équipes ne se retrouvent que de façon épisodique avec le travail en mode hybride ? Comment, par ailleurs, accorder toujours plus d’autonomie aux salariés et respecter les équilibres vie personnelle-vie professionnelle sans nuire à la productivité ?

Le mode hybride conduit, par ailleurs, à réinventer l’espace de travail. Fini le poste attitré, puisque les activités individuelles sont dévolues au télétravail, et place aux espaces collaboratifs modulaires dédiées au collectif. Autant de sujets qui devraient animer les réunions des responsables des ressources humaines toute cette année.

QVT, RSE et IA

Le bien-être et la qualité de vie au travail (QVT) seront encore au coeur des préoccupations des DRH cette année. La crise qui s’éternise et son contexte anxiogène entraînent des conséquences lourdes sur la santé physique (troubles musculo–squelettiques) et mentale des salariés.

Autre tendance forte : la politique RSE. L’impact environnemental et sociétal de l’entreprise représente un levier fort pour fidéliser les collaborateurs. Les plus jeunes et les femmes sont particulièrement sensibles aux enjeux d’égalité, de
diversité et d’inclusion et au défi du réchauffement climatique.

Enfin, déjà bien engagée, la digitalisation des processus RH se poursuivra en 2022. Après la paie ou le volet administratif, elle gagne le recrutement, le parcours d’intégration, la formation ou le développement des compétences, avec pour objectif d’améliorer l’expérience collaborateur. Jérôme Ricard, manager produits marketing de la business unit HCM pour l’éditeur Cegid, cite, en exemple, les apports de l’intelligence artificielle appliquée à la mobilité interne : « L’IA permet d’élargir le champ des possibles en proposant au collaborateur des postes auxquels il n’aurait jamais pensé postuler. Elle fait le “matching” entre les aptitudes avancées par le salarié et le poste à pouvoir en proposant la formation qui permettra de réduire l’écart de compétences. »

Sur ce terrain des compétences, justement, un débat est engagé sur l’importance donnée aux softs skills. Jusqu’alors, le discours dominant consiste à dire qu’il faut accentuer leur développement, les compétences comportementales vieillissant moins vite que les compétences techniques. La généralisation du télétravail remet en cause ce constat, estime Jérôme Ricard : « Quand un manager se retrouve devant son écran avec une vingtaine de vidéos représentant ses collaborateurs, ses capacités relationnelles ou d’écoute émotionnelle ne servent plus à grand-chose. » Dans ce cas, la crise oblige à refaire machine arrière en passant à nouveau d’un management relationnel à un management transactionnel.

—— Xavier BISEUL (Tribune Verte 2981)

Étude : LE TRAVAIL HYBRIDE, TERRAIN FAVORABLE AUX DÉMISSIONS ?

Les DRH risquent de trembler à la lecture de la récente étude d’OpinionWay pour Microsoft France réalisée auprès de 1 000 salariés du privé. 45 % des sondés voient aujourd’hui moins de raisons de rester dans leur entreprise actuelle, et près d’un salarié sur deux (49 %) reconnaît avoir moins de scrupules à postuler dans d’autres entreprises. La volonté d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs concerne les plus jeunes, mais aussi les employés en poste depuis 6 à 9 ans et qui connaissent bien les points forts et les points faibles de leur employeur. Selon l’étude, « le mode hybride est la raison majeure qui pousse les actifs à chercher ailleurs ».

Et pour cause : les professionnels dont l’activité est éligible au travail à distance, mais qui n’en bénéficient pas, sont 58 % à trouver de moins en moins de raisons de rester dans leur société actuelle. Quant aux télétravailleurs actuels, un retour en présentiel pourrait être un sujet de divorce. Dans le même temps, le mode hybride ne fait pas l’unanimité : 30 % des salariés auraient envie de quitter leur entreprise si cette dernière imposait ce nouveau modèle de travail. Un vrai casse-tête !

Avis d’expert : « LES DRH CONCENTRERONT LEURS EFFORTS SUR LA RÉTENTION DES TALENTS »

Jérôme Ricard, manager produits marketing de la business unit HCM pour l’éditeur Cegid

Après 22 mois de télétravail généralisé, quel bilan peut-on tirer ?
Jérôme Ricard : Depuis la généralisation du télétravail, la majorité des entreprises ont surperformé et affichent des résultats exceptionnels. Si le travail à distance augmente la performance individuelle, cela se fait au détriment de la performance collective. Une organisation perd en créativité, en innovation, en cohésion d’équipe. Le télétravail crée, par ailleurs, une ligne de fracture entre les salariés éligibles et ceux qui ne le sont pas. Le télétravail est un moyen, pas une finalité. Pour répondre à la quête de sens de ses salariés, l’entreprise doit proposer une vision à long terme, une véritable culture d’entreprise. L’instauration du travail en mode hybride peut être l’occasion d’une remise à plat de l’organisation.

Ce nouveau mode de travail oblige à repenser l’espace physique en supprimant les bureaux individuels au profit des espaces de collaboration. Un arbitrage doit, par ailleurs, être conduit entre les missions individuelles relevant du télétravail et les activités collectives réservées au bureau.

Quels sont les chantiers qui attendent les DRH en 2022 ?
J. R. : Face à la vague actuelle de démissions, les DRH doivent davantage porter leurs efforts sur la rétention des talents que sur le recrutement, en favorisant notamment la mobilité interne. Cela suppose de mener des actions d’upskilling et de reskilling, de favoriser l’autoformation en continu pour rendre le collaborateur responsable de ses savoirs. Par ailleurs, les DRH ont compris que la dimension RSE était importante pour attirer et pour fidéliser les talents. Les plans en faveur de la diversité et de l’inclusion ne sont toutefois pas suffisamment pensés sur le long terme. Pour arriver à une organisation ouverte, il faut repenser la façon de manager et donner aux cadres une bonne compréhension des apports de la diversité.

Autre axe de travail : renforcer la marque employeur. Chaque collaborateur doit devenir ambassadeur de son entreprise par la cooptation ou la publication d’interviews vidéo de salariés sur les réseaux sociaux. Les associations d’anciens continuent aussi de faire vivre la marque.