Le double diplôme « Un atout différenciant pour un futur employeur »
Le double diplôme permet à un étudiant d’obtenir une double compétence, une double culture et une expérience à l’international attractive pour les employeurs. Présentation de ce dispositif avec Jean-Luc Bosio, chef du service des relations internationales et des langues de Montpellier SupAgro, et avec François Brisoux, directeur adjoint des relations internationales à Agrocampus Ouest.
Qu’est-ce qu’un double diplôme ?
Jean-Luc Bosio : Pour des élèves ingénieurs, il consiste à obtenir un autre diplôme soit d’ingénieur soit de master, généralement dans un pays étranger, sur un parcours de formation convenu entre l’établissement d’origine et celui d’accueil. Il implique en général un semestre à une année d’étude en plus. Il offre cependant un gain de temps par rapport au parcours d’un étudiant qui, à la fin de son diplôme d’ingénieur, se réinscrirait dans un établissement étranger de façon autonome. Pour les étudiants intéressés par un master international, les doubles diplômes suivent généralement le schéma encouragé par le programme Erasmus Mundus puis Erasmus Plus masters conjoints : ils suivent l’intégralité du master 1 dans une première université, puis le master 2 dans une seconde. Les masters sont montés au sein de consortium de trois à six universités et offrent plusieurs parcours qui correspondent à des métiers ou des débouchés professionnels différents. Ces masters sont très attractifs pour des étudiants européens ou non européens et visent à jouer sur la complémentarité entre les spécificités des universités européennes porteuses du master. Dans les deux cas, l’étudiant est inscrit au cours de sa période de mobilité à l’étranger dans les deux établissements et obtient soit un double diplôme, soit un diplôme conjoint. Cela lui permet souvent de travailler facilement dans les deux pays où il a obtenu ses diplômes et de bénéficier des réseaux d’alumni des deux universités, voire du consortium d’universités dans le cas des masters internationaux.
Quelle est votre politique partenariale de montage de doubles diplômes avec des établissements internationaux ?
François Brisoux : Agrocampus Ouest a fait de l’ouverture à l’international un axe majeur de son développement. Le but est de favoriser une recherche de haut niveau et de contribuer à former des professionnels à fort potentiel, agiles et ouverts sur le monde. Dans ce cadre, la mise en place de doubles diplômes est hautement stratégique. C’est un processus assez long qui nécessite une très bonne connaissance des cursus respectifs des deux institutions partenaires et une solide confiance réciproque. C’est une véritable valeur ajoutée s’inscrivant dans un processus qui débute généralement par de simples échanges académiques, puis qui évolue vers une plus grande intégration au niveau formation et recherche. Les mobilités d’enseignants, d’étudiants et des équipes relations internationales favorisent la concrétisation de ce processus. Pour Agrocampus Ouest, un semestre de mobilité à l’international a été systématisé dans les années 2000. Les étudiants du cursus ingénieur agronome ont au début de leur avant-dernière année un semestre hors des murs, leur permettant d’acquérir une expérience internationale par un semestre d’étude dans une université étrangère partenaire ou un stage en entreprise.
J-L. B. : Montpellier SupAgro promeut aussi l’ouverture internationale des étudiants. Un semestre de mobilité à l’international en stage ou en mobilité académique est devenu la norme pour obtenir le diplôme d’ingénieur. Les doubles diplômes constituent une modalité de mobilité et validation de formation à l’international encore plus aboutie que la mobilité académique ou le stage. Ils sont signés avec des établissements identifiés comme prioritaires à l’international au travers d’une réflexion menée sur les partenaires stratégiques dans des sous régions d’intérêt. Les doubles diplômes visent à améliorer l’attractivité de nos formations et à optimiser le niveau de recrutement de nos étudiants. Ceci est vrai pour les élèves ingénieurs français comme pour les étudiants étrangers recrutés, par exemple, au Brésil (Esalq et FZEA pour Montpellier SupAgro, Unesp pour Agrocampus Ouest) ou en Tunisie (Inat pour les deux écoles internes). C’est aussi ce raisonnement qui a poussé Montpellier SupAgro et Agrocampus Ouest, regroupées depuis le 1er janvier 2020 au sein de l’Institut Agro, à monter des consortiums d’universités européennes afin d’être reconnus dans des domaines d’excellence tels que le développement agricole dans les pays émergents (master Agris mundus), le secteur vitivinicole (master européen Vinifera), la protection des plantes (master Plant Health conjoint aux deux écoles) ou les politiques agricoles (master IMRD). Ces cursus permettent de recruter plus d’étudiants internationaux dans les écoles d’ingénieurs, de développer leur réseau de partenaires tant en matière d’universités que d’employeurs potentiels, et de faire reconnaître l’établissement à l’international.
Quelles sont les formations proposées ?
J-L. B. : Nous distinguons les doubles diplômes, qui concernent les étudiants inscrits dans des formations d’ingénieurs, des parcours bi-diplômants en cycle ingénieur. Les premiers ont pour vocation de permettre aux élèves ingénieurs d’obtenir une seconde compétence et d’accéder plus facilement à des employeurs dans de nouvelles sous-régions. Ainsi, Montpellier SupAgro a signé deux doubles diplômes avec l’université la mieux classée en agronomie au Brésil et en Amérique latine : l’université de Sao Paulo (Esalq et FZEA). Agrocampus Ouest a signé un accord de double diplôme avec l’Unesp (universités du Brésil), et un accord avec l’université de Sao Paulo est en cours de finalisation. L’accord avec l’Unesp, signé en 2010, a permis de débuter les premières mobilités en 2012 et depuis, 12 étudiants d’Agrocampus Ouest et 11 étudiants de l’Unesp ont réalisé ce parcours. La réciprocité est un élément très important de ce processus. Ces doubles diplômes seront accessibles dans un avenir proche aux étudiants des deux écoles internes de l’Institut Agro. Ce même raisonnement vaut pour le double diplôme signé avec l’université de Liège (GemblouxAgroBioTech) par Montpellier SupAgro et pour le double diplôme avec l’université de Weihenstephan en Allemagne par Agrocampus Ouest, l’université de Kasetsart en Thaïlande pour Montpellier SupAgro. Un double diplôme est à l’étude avec l’université de Kyoto au Japon. Le principe des parcours bi-diplômants en cycle ingénieur est une co-sélection des étudiants participant au parcours bi-diplômant et l’obtention des deux diplômes d’ingénieurs de l’université d’origine et de l’école interne d’accueil. Le recrutement se fait en fin de deuxième année de l’école d’origine. Les étudiants sont admis en début de deuxième année en France. Ils obtiennent donc deux diplômes d’ingénieurs en six ans après le bac au lieu d’un seul diplôme après cinq ans d’études. Ces parcours concernaient en 2019 une douzaine d’étudiants des pays francophones d’Afrique.
F. B. : Agrocampus Ouest finalisera dans les mois qui viennent deux doubles diplômes d’ingénieurs avec deux des meilleures universités chiliennes. À terme, l’ambition est d’ouvrir les doubles diplômes à tous les étudiants de l’Institut Agro.
Quel est l’intérêt du double diplôme ?
F. B. : Pour les étudiants français, il permet de travailler plus facilement dans le pays de l’université partenaire et dans la sous-région grâce à la notoriété du diplôme de l’université partenaire. Le double diplômé, avec trois à quatre semestres à l’étranger, se démarque de l’ingénieur standard qui n’a qu’un semestre validé à l’étranger. De nos jours, tous les diplômés ont un bon niveau d’anglais (une condition pour l’obtention du diplôme) et une bonne maîtrise d’une deuxième langue étrangère (espagnol, portugais). Les doubles diplômés sont en général quasi bilingues et très à l’aise avec l’interculturalité, car ils disposent d’une bonne connaissance des us et coutumes des pays dans lesquels ils ont étudié. Ils ont montré leur capacité à s’expatrier sur une longue durée et à s’adapter à d’autres modes de vie, un atout différenciant pour un futur employeur. L’acquisition de connaissances et de compétences dans une université d’excellence à l’étranger constitue un avantage majeur pour faciliter leur insertion professionnelle. Enfin, cela représente surtout une expérience personnelle fondatrice. Pour les étudiants étrangers, le double diplôme représente le bénéfice d’une expérience internationale, l’acquisition de connaissances et de compétences dans nos établissements d’enseignement supérieur de renommée internationale et le prestige d’obtenir un diplôme d’ingénieur français dans l’une des meilleures grandes écoles d’agronomie. Les grands groupes agroalimentaires et d’agrofourniture français ont une forte appétence pour ces profils d’ingénieurs doubles diplômés français ou locaux, en particulier lorsqu’ils ont des filiales dans les pays concernés.
—— Propos recueillis par Danielle BODIOU (Tribune Verte 2936)