Le CV inversé renverse la table

Le CV inversé renverse la table

Pour casser les codes du recrutement, des marques adhérentes de l’association Pour nourrir demain ont décidé de publier leur CV. Elles sont aujourd’hui 54, pour des dizaines de milliers de vues. Une démarche ayant pour ambition d’attirer plus de talents que les processus conventionnels. L’initiative est un succès : les candidatures affluent, les compétences aussi.

Changer la donne en inversant la démarche. C’était l’objectif de l’association Pour nourrir demain lorsqu’elle a lancé le projet de CV inversé. Le principe : au lieu de publier des offres d’emploi pour recevoir celui des candidats à un poste, l’entreprise rédige et publie son propre CV. Les personnes intéressées peuvent ensuite envoyer une candidature, soit directement à l’entreprise, soit par l’intermédiaire du site de l’association. « La démarche séduit, parce que c’est sympa d’avoir des dates et une histoire, explique Sylvain Zaffaroni, cofondateur de Pour nourrir demain. Le CV inversé montre qui est la marque, quels intérêts elle présente, et il cherche à motiver les futurs collaborateurs. »

Lancée fin janvier 2023, l’opération est un succès. Cinquante-quatre marques ont déjà rédigé leur CV, pour un coût qui va de 1 000 à 3 000 euros HT, en fonction de leur chiffre d’affaires. Chacune d’elles a déjà été vue plusieurs dizaines de milliers de fois. Arterris, Eureden Long Life, Savéol et Candia ont par exemple déjà publié leur CV et d’autres entreprises en préparent actuellement.

Répondre à la pénurie de main-d’oeuvre

À l’origine de la démarche, on trouve des groupes de travail organisés par Pour nourrir demain. Créée par Marion Mashhady et Sylvain Zaffaroni, cette association veut « fédérer des marques agroalimentaires autour d’un projet d’inspirations, d’échanges et d’engagements ». Avec, comme idée fondatrice, la conviction que « pour résoudre les enjeux de survie alimentaire, ces acteurs doivent collaborer et être solidaires ». « Nous faisons travailler les entreprises pour répondre à des enjeux », explique Sylvain Zaffaroni. Parmi les problématiques qui émergent : la pénurie de ressources humaines et les difficultés de recrutement. Un phénomène observé tout au long de la chaîne hiérarchique, des directions générales aux usines, du producteur à la distribution. Parfois, cela contraint même les entreprises à réduire leur production.

Les marques font certes des efforts pour communiquer sur les avantages qu’elles proposent ou sur leur démarche RSE, mais il semble que cela ne suffise pas à convaincre les candidats potentiels. L’idée motivant le CV inversé est d’ajouter un moyen de communication qui ne remplace pas les autres, mais qui vient les compléter. La mise en commun sur un site unique augmente la visibilité. « Plus on est nombreux à agir et plus il y a d’effets », souligne Sylvain Zaffaroni.

10 à 15 candidatures par jour

Les entreprises ont adhéré facilement à la démarche. Concrètement, il ne s’agit pas d’être original à tout prix. Le but est plutôt de créer un document qui mette en évidence des informations fondamentales, en reprenant les codes d’un CV classique : des dates, des compétences, des valeurs. Un exercice qui n’est pas aussi simple qu’il y paraît : « Ce CV rassemble, somme toute, beaucoup d’éléments de communication que les entreprises avaient déjà, raconte Sylvain Zaffaroni. Et d’ailleurs, comme pour tout CV, elles ont dû faire des choix pour ne pas mettre trop de choses. » Cette possibilité est ouverte à toutes les marques agroalimentaires. Et comme le document leur appartient, il est utilisé dans toute leur communication, interne ou externe. En interne, il nourrit le sentiment d’appartenance, en apportant du concret. Certains salariés le partagent sur leur compte LinkedIn, par exemple. En externe, il est présent dans tous leurs événements et devient partie intégrante de la marque employeur. Il est aussi diffusé sur les réseaux sociaux. Pour les candidats potentiels, le CV inversé est un moyen efficace de connaître les missions d’une entreprise. Il met en lumière son histoire, sa culture et sa démarche RSE, qui sont souvent peu visibles.

Et ça marche : depuis février, 10 à 15 candidatures arrivent chaque jour sur le site de l’association, pour tous types de postes. Les recruteurs observent en outre que les candidats qui répondent au CV d’une entreprise sont plus motivés et plus qualifiés. « Cette démarche a levé un frein, parce qu’elle évite aux candidats de passer par un processus de recrutement qu’ils exècrent », précise Sylvain Zaffaroni. Elle touche aussi les techniciens de production qui ne vont pas sur les sites classiques de recrutement. Et comme le nombre de CV est en augmentation constante, la démarche pourrait bien s’élargir. Prochaine étape ? La lettre de motivation inversée.

— Emmanuelle BORDON (Tribune Verte 3019)