La réalité virtuelle, un outil bien réel pour recruter

La réalité virtuelle, un outil bien réel pour recruter

En immergeant le candidat dans son futur quotidien professionnel, la réalité virtuelle permet à l’employeur de jauger sa capacité à occuper le poste. De son côté, le candidat se fait une idée très concrète du métier pour lequel il postule.

Et si la réalité virtuelle constituait le test de recrutement ultime ? Chaussé d’un casque, le candidat est plongé dans un univers immersif qui reproduit à l’identique les conditions de travail qu’il pourrait être amené à vivre. Dans la peau d’un professionnel, il va manier des outils, réaliser un certain nombre de manipulations. Avec cette simulation réaliste de poste (SRP), le recruteur observera la capacité d’analyse ou la résistance au stress du postulant. Immergé dans son futur quotidien professionnel, le candidat se fait, de son côté, une idée très concrète du métier pour lequel il postule et ce, bien mieux que ne le ferait n’importe quelle fiche de poste. Un test grandeur nature qui peut éviter bien des erreurs de casting.
En donnant une image moderne de l’entreprise, la réalité virtuelle va aussi renforcer une stratégie de marque employeur, notamment auprès des générations Y et Z réputées difficiles à attirer et à fidéliser. Les professions peinant à recruter par manque d’attractivité sont particulièrement intéressées par ce nouveau mode de recrutement (lire notre interview). Leader du marché de la découpe industrielle de viande, l’entreprise rennaise BS se sert ainsi de la réalité virtuelle pour embaucher et pour former ses bouchers.

Plonger le candidat dans des situations particulières

Pôle emploi expérimente pour sa part la réalité virtuelle, afin de faire découvrir à des demandeurs d’emploi le métier d’employé polyvalent de commerce de libre-service. Ils s’essaient à la mise en rayon, au réassort ou à la relation client. Pôle emploi propose aussi de passer un entretien d’embauche virtuel avec le simulateur « Mon entretien d’embauche », disponible sur Emploi Store. Et les cas d’usage semblent infinis, la réalité virtuelle faisant appel à une créativité débordante. Elle permet de plonger le candidat dans des situations particulières, difficiles à reproduire dans la réalité pour des raisons de dangerosité, de praticité, ou de coût. Il est également possible de multiplier les scénarios et de simuler des événements exceptionnels, comme placer un technicien de maintenance sous une tempête de neige. À la différence d’un test de personnalité auquel le candidat aurait pu s’entraîner préalablement, il lui sera plus difficile de cacher ses émotions face à une situation inédite. La technologie ne reste, bien sûr, qu’un outil de plus dans la palette du recruteur et peut compléter des tests de recrutement existants. Une technologie toutefois de plus en plus accessible avec la baisse continue du prix des casques (moins de 600 euros). Par ailleurs, la réalité virtuelle peut servir d’autres cas d’usage. L’éditeur de jeux vidéo Ubisoft propose aux candidats de visiter virtuellement ses locaux de Montreuil. Dans l’étape suivante, le cabinet d’audit Mazars utilise la réalité virtuelle pour préparer ses futures recrues à leur parcours d’intégration. Avant même d’arriver en entreprise, ils visualiseront les différentes étapes (circuit administratif, bureaux de la DRH…) de leur premier jour. Enfin, il y a la formation. EDF ou Enedis forment virtuellement leurs techniciens de maintenance sur site. Avant d’aller sur le terrain, ils vont travailler les gestes techniques à accomplir, les répéter à l’infini et s’autoriser des erreurs sans danger.

—— XAVIER BISEUL (Tribune Verte 2903)

UN PLÉBISCITE CÔTÉ CANDIDATS

Selon une étude du cabinet de recrutement Robert Walters réalisée au dernier trimestre 2018, seules 4 % des entreprises sondées affirment utiliser la réalité virtuelle et la SRP (simulation réaliste de poste). Côté candidats, c’est un plébiscite. 72 % de ceux qui ont vécu l’expérience ont apprécié. Chez les candidats qui n’ont jamais testé ces outils, un sur trois aimerait pouvoir le faire. Ce chiffre passe à près de 40 % chez les moins de 30 ans. Et quand on leur demande pourquoi, 34 % des candidats estiment que la SRP leur permettrait de mieux se projeter dans le poste et d’être sûrs de faire le bon choix. Les entreprises, elles, sont 41 % à la considérer comme une aide potentielle pour ne pas se tromper sur un candidat.

Avis d’expert « LA RÉALITÉ VIRTUELLE AIDE LES FILIÈRES SOUFFRANT D’UN MANQUE D’ATTRACTIVITÉ À RECRUTER »

Nicolas Perrier, directeur général associé d’UniVR Studio

Quels sont les avantages de la réalité virtuelle appliquée au recrutement ?
La réalité virtuelle permet d’immerger un candidat dans son futur emploi. Nous allons reproduire un entrepôt, une usine, un laboratoire et le postulant va interagir avec cet environnement immersif. Par exemple, un futur préparateur de commande devra trouver la bonne commande, un carton, puis le scanner.
En plongeant le candidat dans la réalité du terrain, l’employeur verra quelles sont les personnes les plus aptes à occuper ce type de poste, qui « percute ». En entretien, il pourra aussi faire réagir le candidat sur son comportement lors de la mise en situation. Côté candidat, il y a un effet « waouh ». La réalité virtuelle rend le processus de recrutement plus fun et moins scolaire que de devoir remplir un QCM ou un questionnaire. Et si la personne n’a pas d’affinités avec le poste, elle le constatera rapidement. Cela évite les erreurs de casting et leurs conséquences sur le plan financier. Randstad propose, par exemple, une expérience de travail en hauteur. Placé sur un échafaudage virtuel, le candidat peut être pris d’un vertige bien réel.

Quels sont les secteurs d’activité potentiellement intéressés ?
Tous les secteurs qui souffrent d’un manque d’attractivité et de pénurie de main-d’œuvre sont potentiellement intéressés. Ce qui peut être le cas de l’agroalimentaire. Les professionnels de la logistique ont, eux, du mal à recruter des préparateurs de commande, le métier étant jugé peu sexy. Le turn-over est élevé, ce qui suppose de recruter et de former en continu. La métallurgie attire aussi peu les jeunes diplômés. Leur proposer de chausser un masque de réalité virtuelle sur des Salons étudiants permet à la profession de montrer que l’usine, ce n’est plus Germinal. L’usine aujourd’hui est moderne, sécurisée, et fait appel aux nouvelles technologies.

Quels sont les autres apports de la réalité virtuelle pour les RH ?
La réalité virtuelle permet de sensibiliser aux accidents du travail. Pour rependre l’exemple du préparateur de commande, s’il ne regarde pas autour de lui dans l’entrepôt, il peut se faire – virtuellement – renverser par un transpalette. Ford a constaté que ce type de sensibilisation par la réalité virtuelle a réduit de 80 % les troubles musculosquelettiques (TMS) chez les ouvriers et de 70 % les accidents du travail.
L’autre cas d’usage, c’est la formation. La réalité virtuelle prend tout son sens pour former aux « hard skills », des manipulations dans un environnement complexe, dangereux ou coûteux. Chez Sanofi Pasteur, un opérateur doit retenir 200 pages de procédures.
Sans mettre les mains dans le cambouis, c’est difficile. Quant à la formation sur site, elle nécessite d’arrêter la production, elle est donc rare. La SNCF utilise, elle, la réalité virtuelle pour former à l’attelage des trains, la mise à disposition d’une locomotive, d’un wagon et d’un quai de gare s’avérant particulièrement coûteux. L’agent doit brancher les câbles, appuyer sur tel ou tel bouton, il reproduit toutes les actions comme sur le terrain.

Crédit photo : Sergey Nivens/Fotolia