« Impliquer les collaborateurs dans le recrutement »

« Impliquer les collaborateurs dans le recrutement »

Chargé de mission ressources humaines auprès d’entreprises et formateur RH, Frédéric Mischler explique en quoi les pratiques d’une entreprise conditionnent sa réussite dans le recrutement.

Quel est le contexte actuel du marché de l’emploi ?
Frédéric Mischler : Le mot qui me vient à l’esprit, c’est « complexe ». J’accompagne à la fois les entreprises et les personnes en recherche d’emploi et j’ai le sentiment qu’il y a des réalités très hétérogènes. En effet, il persiste des stéréotypes de la part des candidats et des entreprises. Par exemple, la demande de télétravail des candidats est très souvent perçue par les entreprises comme un désintérêt, alors qu’il s’agit d’une grosse généralité. D’autre part, les pratiques de recrutement ont très peu évolué en profondeur au cours des dernières décennies. En dépit des réseaux sociaux, les candidats passent souvent à côté des annonces. Ainsi, bon nombre d’entreprises et de candidats ne se rencontrent même pas, car il n’y a pas eu de point de contact.

Quelles sont les innovations dans le recrutement pour attirer et fidéliser les collaborateurs ?
F. M. : Sur des secteurs et des métiers équivalents, on a des entreprises qui ont du mal à recruter et d’autres, à l’inverse, qui ne rencontrent aucune difficulté. Le succès du recrutement se fait au niveau de la structure et de la manière de s’y prendre. En effet, les entreprises qui peinent à recruter veulent innover et être créatives, alors qu’elles devraient d’abord remettre en cause leurs pratiques. Celles qui y arrivent le mieux ont, en général, une approche très ancrée dans le territoire, elles se rendent visibles de façon pérenne. Par exemple, elles organisent régulièrement des visites et des portes ouvertes à destination de publics ciblés ou de prescripteurs, comme les conseillers Pôle emploi. Une autre pratique qui fonctionne bien consiste à impliquer l’équipe de collaborateurs dans le processus de recrutement. Cela facilite, notamment, la diffusion d’une offre d’emploi grâce aux réseaux professionnels de chacun.

Depuis la crise sanitaire, les candidats sont attentifs au télétravail. Comment gérer le management dans ce cas de figure ?
F. M. : Beaucoup d’entreprises ne pensaient pas pouvoir intégrer le télétravail dans leur fonctionnement, alors que certaines auraient tout intérêt à le faire. Le plus important est d’assurer la qualité du lien entre les managers et les collaborateurs, que ce soit en présentiel ou en télétravail. En effet, les dirigeants pensent, à tort, pouvoir surveiller leurs salariés grâce au lien visuel. Toutefois, il s’agit surtout d’une  question de confiance : quand les managers connaissent le travail et les tâches de leurs collaborateurs, il y a moins de craintes. L’entreprise doit également se demander quelle est la réelle valeur ajoutée pour le salarié qui vient travailler en présentiel. De plus, la demande de télétravail se justifie principalement par un temps de trajet long entre le domicile et le lieu de travail, le coût du transport ou le fait de se sentir plus concentré à domicile qu’en entreprise.

La semaine de quatre jours est-elle intéressante à étudier pour les entreprises ?
F. M. : Je pense qu’il peut être intéressant de l’envisager en fonction de l’activité de l’entreprise et de ses motifs. Cependant, le modèle de quatre jours implique soit une baisse de salaire, soit une même amplitude horaire répartie sur quatre jours, soit, généralement, un jour de repos imposé et commun à  tous les salariés. Pour un candidat, le modèle peut être très attrayant. Cependant, il ne l’est pas forcément pour tous les collaborateurs de l’entreprise, notamment pour les parents, qui devront  organiser leur semaine avec des horaires décalés par exemple. Les dirigeants ont tendance à penser qu’appliquer la même règle pour tous est plus égalitaire, mais ils devraient coconstruire un cadre avec leurs collaborateurs qui y trouveraient une vraie valeur ajoutée. Si on cherche sincèrement à comprendre l’autre, la plupart du temps on réussit à mettre en place le bon dispositif.

— Propos recueillis par Amélie DI BELLA (Tribune Verte 3019)