Guillaume Morel-Chevillet Responsable du végétal urbain à l’Institut technique de l’horticulture (Astredhor) « Les mentalités changent »
Auteur de l’ouvrage « Agriculteurs urbains » aux Éditions France Agricole et cofondateur de l’association française de l’agriculture urbaine professionnelle, Guillaume Morel-Chevillet estime que les fermes urbaines n’ont pas d’avenir si elles ne s’intègrent pas dans un réseau d’exploitations.
À quoi les fermes verticales urbaines répondent-elles aujourd’hui ?
Guillaume Morel-Chevillet : Depuis quelques années, nous voyons émerger des projets de fermes verticales en milieu urbain. Même si elles questionnent encore beaucoup la recherche, ces fermes urbaines souhaitent répondre aux nouveaux enjeux agricoles, urbains et sociétaux, tels que la gestion durable de l’eau, de l’air et des déchets, le développement de l’économie circulaire et la sécurité alimentaire. Elles permettent aussi de se reconnecter avec le vivant, de créer du lien social, de faciliter les démarches d’insertion et de mieux valoriser le foncier.
Il existe aujourd’hui différents types de fermes maraîchères verticales. Pouvez-vous nous les présenter ?
G. M-C. : Elles peuvent se classer en trois groupes. Celles qui présentent la forme la plus radicale produisent en hors-sol, en atmosphère confiné et en lumière artificielle. Ces fermes se développent plutôt au Japon, à Taïwan et un peu aux États-Unis. La deuxième, à l’initiative du monde de l’ingénierie, utilise la lumière naturelle. Ce sont des serres de production verticalisées. Il en existe à Singapour et en France. Enfin, le troisième type, des bâtiments entiers consacrés à la production agricole, est plutôt souhaité par le monde du commerce et du business et relève de l’imaginaire des architectes. Ce concept a été théorisé en 1999 par le microbiologiste Dickson Despommier, professeur à l’université de New York. À ce jour, aucune construction de tour de production à grande échelle n’a encore vu le jour.
Comment fonctionnent-elles ? Et sont-elles nombreuses en France ?
G. M-C. : Les plus high-tech profitent des avancées technologiques survenues ces dernières années en utilisant des lampes led, l’automatisation et les technologies de l’information. Elles s’affranchissent ainsi de l’environnement extérieur et produisent en masse des denrées de qualité, au prix du marché, à tout moment, sous tout climat, au plus près des consommateurs et sans recours aux pesticides. Agricool, par exemple, produit des fruits et légumes en containers. Son objectif est de franchiser son concept. De même, La Ferme urbaine Lyonnaise (FUL) produit peu, mais vend aussi son ingénierie. La seconde catégorie, plus rare, concerne par exemple le projet de Romainville (93). Deux bâtiments de 1 000 m² devaient commencer à produire des fruits et légumes ce printemps, avec comme support de culture des substrats d’origine organique.
Ces fermes demandent parfois des investissements élevés. Peuvent-elles s’inscrire dans l’avenir de l’agriculture ?
G. M-C. : Toutes les fermes ne demandent pas un fort investissement (allant jusqu’à 3 000 euros/m²). Certaines peuvent être construites à moins de 1 000 euros/m². C’est toutefois plus onéreux que les 180 euros/m² des serres de haute technologie. Très souvent, les projets assurent plusieurs fonctions pour être rentables : pédagogiques, commerciales ou encore liées à la restauration. Aussi, je ne crois pas à un développement massif de ces modes de production. Sans lien avec un réseau d’autres exploitations, elles ne peuvent pas avoir d’avenir puisqu’elles sont en monoculture. Par ailleurs, leur construction nécessite un engagement de la part des communes et des décideurs politiques. Ces derniers ne perçoivent pas toujours les enjeux de telles constructions. Ces projets peuvent aussi heurter le monde agricole, celui-ci craignant une concurrence ou ne croyant pas à leur modèle économique, mais les mentalités sont en train de changer.
—— Propos recueillis par Marie-Dominique GUIHARD (Tribune Verte 2937)