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En occitanie, le chanvre textile ne tient qu'à un fil

En occitanie, le chanvre textile ne tient qu'à un fil

Virgocoop, une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), ambitionne de faire renaître une filière textile française, en Occitanie. Les cofondateurs souhaitent essentiellement valoriser une culture locale qui était très présente dans le paysage agricole d’autrefois : le chanvre.

«La filière du chanvre textile est une vieille histoire dans la région », raconte Johann Vacandare, l’un des quatre cofondateurs de Virgocoop et directeur général. Cette Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), fondée fin 2018 en Occitanie, a pour ambition de reconstruire de A à Z une filière quasiment disparue dans la région. Local, écologique et éthique ; les fondateurs, attachés à leurs origines, promeuvent une filière qui met en avant les cultures locales.

Fort de ses 300 sociétaires citoyens dont une vingtaine de partenaires professionnels, Virgocoop a convaincu, en 2023, 85 agriculteurs locaux de produire du chanvre à destination du textile. Au total, 200 ha sont implantés parmi lesquels 70 % sont labellisés bio. « Notre objectif est d’atteindre 100 % de bio, une surface cultivée totale de 500 ha et une centaine de producteurs d’ici 2027 », explique Johann Vacandare. Virgocoop contractualise avec des agriculteurs en polyculture élevage et des exploitations « à taille humaine ».

« Les agriculteurs cultivent le chanvre sur de petites parcelles, entre 1 et 5 ha maximum pour éviter de trop impacter leur assolement », précise le cofondateur. Le chanvre est implanté en tête de rotation, car il a un impact bénéfique sur les cultures alimentaires qui suivent. En effet, le chanvre structure le sol grâce à son système racinaire et le nettoie d’adventices grâce à son pouvoir couvrant. D’autre part, cette culture ne nécessite aucun apport d’eau et d’intrants chimiques.

Chanvre : 20 % de fibres textiles pures

« Le chanvre est semé mi-avril et se fauche au mois d’août », précise Johann Vacandare. Le rendement se chiffre entre 4 et 6 tonnes à l’hectare. « Les tiges restent ensuite trois semaines sur la parcelle, ce qu’on appelle la période de rouissage, pour que la paille du chanvre se défibre naturellement », continue-t-il. Puis, entre septembre et octobre, le chanvre est mis en balles et stocké soit dans le hangar de l’agriculteur, soit à l’usine de défibrage située à Caylus, dans le Tarn-et-Garonne.

Aussi appelé chanvrière, le site de défibrage de Virgocoop peut traiter jusqu’à 500 hectares de chanvre chaque année. Les machines produisent des fibres courtes qui seront ensuite envoyées en « cotonisation », en vue d’être mélangées avec d’autres fibres, comme la laine, pour produire du fil à destination textile. Une autre partie est produite sous forme de fibres « longues », qui permettront de produire un fil en 100 % chanvre.

« Nous extrayons du chanvre 20 % de fibres textiles pures au maximum », chiffre Johann Vacandare. Virgocoop n’a pas encore investi dans sa propre usine de filature, car il s’agit d’un savoir-faire très précis qui s’est perdu avec le déclin du textile en France. La filière textile encore fragile Toutefois, Virgocoop ne perd pas de vue la restructuration de la filière en entier. En effet, la coopérative a créé une autre société pour la fabrication du tissu : les Tissages d’Autan, près de Castres. « Nous sommes un des rares ateliers à savoir tisser le chanvre en Europe ! se félicite Johann Vacandare. Nous avons récupéré des anciennes machines et développé ce savoirfaire particulier. L’atelier compte aujourd’hui douze machines et cinq salariés, qui produisent 45 000 mètres de tissu par an. »

La dynamique de la filière textile reste encore fragile dans l’Hexagone, mais le regain d’intérêt pour du textile made in France motive les cofondateurs. « Sur l’atelier textile, nous avons recruté des alternants très motivés par la filière et un ancien artisan du textile qui s’était reconverti au BTP pendant vingt ans, explique Johann Vacandare. Au sein de Virgocoop, nous recrutons des profils de tout horizon, pourvu qu’ils soient motivés par le textile et par la lutte contre les inégalités sociales. »

Virgocoop ne produit pas que du chanvre textile. En effet, 55 % de la production de chanvre se destine aux matériaux isolants avec la valorisation des résidus appelés chènevottes. La société souhaite également produire des graines de chanvre à destination alimentaire et cosmétique. Enfin, la société développe, en partenariat avec l’atelier Tuffery, une filière laine de brebis Lacaune en Lozère.

— Amélie DI BELLA (Tribune Verte 3040)