Changement climatique : un impact déjà sensible sur la production agricole
L’agriculture est l’un des secteurs les plus directement impactés par le changement climatique. L’ensemble des productions est affecté, que ce soit en matière de quantité produite, de qualité mais aussi de variabilité annuelle. Dans ce contexte, les acteurs du monde agricole repensent leurs pratiques et modèles actuels.
Le changement climatique, également nommé dérèglement climatique, est un phénomène qui se caractérise par une transformation du climat issue d’une augmentation des températures moyennes de l’atmosphère, des océans et à la surface de la Terre depuis plus d’un siècle. Phénomène planétaire, il est essentiellement dû à l’augmentation des activités humaines. Aujourd’hui, la plupart des scientifiques qui étudient le sujet s’accordent à dire que le changement climatique est provoqué par l’accumulation de gaz à effet de serre (GES), dont les principales sources sont la production d’énergie (électricité, chauffage, climatisation), les industries, les transports, l’agriculture et l’utilisation des territoires (déforestation…).
En France métropolitaine, les effets du changement climatique se traduisent principalement par la hausse des températures moyennes, de 1,7 °C depuis 1900. C’est plus que le réchauffement constaté en moyenne mondiale estimé à + 0,9 °C sur la période 1901-2012. Les effets sont également sensibles sur les précipitations, les vagues de chaleur et les sécheresses.
Les rendements et la qualité des produits agricoles affectés
Si l’agriculture contribue au changement climatique, elle est également l’un des secteurs les plus directement impactés par le phénomène. La hausse moyenne des températures, l’augmentation de la concentration en CO2 dans l’atmosphère, l’augmentation d’événements extrêmes (inondations, canicules, sécheresse…) sont autant de facteurs qui affectent l’ensemble des productions agricoles, que ce soit en matière de quantité produite (rendements des cultures et productivité animale), de qualité des produits et de bien-être animal mais aussi de variabilité annuelle. Les menaces qui pèsent sur les productions sont multiples : apparition de nouveaux insectes prédateurs et de nouvelles maladies, augmentation et intensification des stress subis par les plantes (manque d’eau, chaleur…) ou encore modification du paysage agricole, en réponse aux variations de température. Pour certaines cultures, notamment les cultures traditionnelles du sud de la France, la progression attendue des températures devrait entraîner une remontée des zones de production vers le nord.
Dans l’Hexagone, les effets du changement climatique sont d’ores et déjà visibles dans les filières agricoles. En viticulture par exemple, la date des vendanges, tous vignobles confondus, a globalement été avancée de 18 jours (du 29 au 11 septembre) sur les trente dernières années. Le titre alcoométrique des vins français a progressé en moyenne de 2 degrés en 30 ans. En céréales, le changement climatique serait à l’origine, pour un tiers, de la stagnation du rendement du blé tendre observée depuis 1996, après plusieurs décennies de hausse. Pour la filière pomme, plusieurs types d’impacts ont été identifiés sur la production (comme le manque de coloration, l’augmentation des dégâts par les ravageurs…), la récolte (décalage dans le temps…) et le stockage.
Nouvelles variétés, nouveaux systèmes de production
Dans ce contexte de changement climatique, les acteurs du monde agricole s’adaptent et mettent en oeuvre différentes actions techniques. Certaines solutions relèvent de la tactique, plutôt de court terme, et impactent peu les systèmes de production, telles que l’adaptation des itinéraires techniques (décalage de la date de semis, choix de variétés plus adaptées aux nouvelles conditions), l’irrigation (si la ressource en eau est disponible), des rotations plus diversifiées ou encore l’adaptation des productions de fourrage.
Au-delà d’ajustements des pratiques actuelles, le changement climatique pousse à la mise en oeuvre de solutions qui relèvent de la stratégie, plutôt de moyen ou de long terme, et qui impactent plus profondément les systèmes : la création de nouvelles variétés, l’adoption de nouveaux systèmes de production comme l’agroforesterie, le choix de nouvelles cultures – et l’abandon d’autres – ou encore la mise en place de projets collectifs sur la gestion de l’eau (réserves). Toutes ces solutions visent à permettre aux filières de muter vers des modes de production davantage pérennes et viables. Face à des choix déterminants, les acteurs se préparent dès aujourd’hui pour pouvoir s’adapter demain.
—— Danielle BODIOU (Tribune Verte 2960)
LA CRÉATION D’UN VIGNOBLE DANS LES HAUTS-DE-FRANCE
En 2020, le négoce Ternoveo a annoncé le lancement, avec ses partenaires agriculteurs, d’une filière viticole dans les Hauts-de-France. Elle réunit des agriculteurs curieux et passionnés de vins qui ont fait le choix de cette diversification, pour le moins originale dans la région. Au-delà de l’aventure humaine et des nouveaux débouchés créés pour les agriculteurs, l’ambition de Ternoveo est aussi de mettre sur pied un vignoble labellisé HVE portant les meilleures pratiques en matière d’agriculture durable avec un recours réduit aux produits de protection des plantes. Pour l’année 2020, dix agriculteurs ont participé au projet, répartis dans l’Aisne, la Somme, le Nord et le Pas-de-Calais, et 16 hectares de vignes ont été plantés. En 2022, aura lieu la première vendange, et 50 000 bouteilles devraient être produites et commercialisées dans la région. À terme, Ternoveo ambitionne de créer un vignoble de 200 hectares, avec à la clé la valorisation de plus d’un million de bouteilles par an. François Guillaume, des Pépinières Guillaume, prédit un bel avenir au projet et rappelle que les conditions climatiques ont changé : « D’ici une dizaine d’années, les Hauts-de-France posséderont le même climat que celui de la Bourgogne il y a 25 ans, ce qui laisse augurer de belles années viticoles dans la région. »
LA PISTACHE FAIT SON RETOUR DANS LE VAUCLUSE
La culture de la pistache provençale, qui se pratiquait jusqu’au milieu du xxe siècle avant de disparaître totalement, fait son retour en Provence, du côté du Ventoux et du Luberon. Soutenus par la chambre d’agriculture de Vaucluse et l’association Pistache en Provence, des agriculteurs tentent de relancer cette culture qui constitue une alternative de production pour certaines zones difficiles. « Résistant à la sécheresse et au froid, le pistachier se révèle être une bonne alternative au réchauffement climatique », indique la chambre d’agriculture du Vaucluse. « De plus, la pistache est rentable, avec un prix de vente de 20 euros minimum le kg. Alors pourquoi les faire venir de Grèce, d’Espagne, de Tunisie et de Californie, quand il est possible d’en cultiver en France ? » En 2020, une trentaine d’hectares de pistachiers ont été plantés dans le département, après dix hectares en 2019. La nouvelle culture intéresse de près les confiseurs de la région, soucieux de travailler avec des produits locaux de qualité.