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Adeline Journot, séricicultrice « C’est une chance de participer À la relance d’une filière patrimoniale »

Adeline Journot, séricicultrice « C’est une chance de participer À la relance d’une filière patrimoniale »

Après une première tentative en 1995 puis une expérience dans la vannerie, Adeline Journot renoue avec la sériciculture en 2018. Installée dans l’ancienne ferme familiale des Cévennes, elle transforme les lieux pour élever ses vers à soie, qu’elle livre à l’entreprise gardoise Sericyne. Aujourd’hui, la séricicultrice produit 100 000 vers par an en pratiquant une agriculture régénérative et transmet son savoir-faire à de nouveaux éleveurs pour redynamiser la filière soie locale.

Après une première tentative en sériciculture en 1995, dans le cadre d’un projet avorté de relance de la filière soie dans les Cévennes, Adeline Journot a remis le pied à l’étrier en 2018, grâce à Michel Costa, grand spécialiste du ver à soie. Ce dernier la met en relation avec l’entreprise Sericyne, créateur et fabricant gardois de produits en soie non tissée, qui cherchait des producteurs locaux.

À cette époque, Adeline Journot exerce le métier de vannière, mais sans réussir à vivre de son activité. Elle s’installe donc à Saint-Julien-de-la-Nef dans l’ancienne ferme familiale, alors à l’abandon. Elle transforme les anciennes chèvreries, écuries et soubassements de la bâtisse en locaux adaptés pour ses vers à soie. « Cela aurait été trop énergivore d’installer une climatisation pour utiliser l’ancienne magnanerie sous les toits pour une période d’élevage qui va de mai à novembre », raconte-t-elle.

Grâce aux conseils avisés de Michel Costa et à des formations dispensées par Sericyne et le Civam Bio du Gard, l’éleveuse apprend les gestes essentiels pour apporter le meilleur soin à ses nouveaux pensionnaires. Mais elle l’avoue : « Gérer un élevage de vers à soie est un métier passionnant, mais très chronophage. » Ces lépidoptères passent en effet par cinq âges distincts et effectuent quatre mues au cours de leur existence. Ils multiplient leur poids par 10 000 et consomment 80 % de leur nourriture totale dans les dix derniers jours de leur vie. « Au premier âge, ils ne mangent qu’une fois par jour, mais le rythme augmente progressivement jusqu’à cinq repas par jour au dernier stade. Cela demande une présence régulière, jour et nuit, en magnanerie », explique l’éleveuse. Heureusement, pendant les mues, les vers cessent de s’alimenter, offrant ainsi un répit de 48 heures.

Une agriculture résiliente et régénérative

Pour produire ses 100 000 vers par an, Adeline Journot récolte des feuilles de mûriers, leur unique nourriture. Elle en a planté 1 000 sur sa propriété, et un autre éleveur, installé sur ses terres, en a fait de même. « Nous n’utilisons aucun pesticide, car les vers à soie sont très sensibles. Nous oeuvrons donc pour une agriculture non seulement vertueuse mais aussi régénérative, puisqu’en plus d’être extrêmement résilient à la sécheresse, le mûrier est l’un des arbres qui capte le plus de carbone dans le sol et dans l’air. Sans oublier sa résistance au feu, qui permet de protéger les paysages cévenols en cas d’incendie », détaille-t-elle.

Quand ils commencent à produire leur soie, l’éleveuse les livre à Sericyne. Mais elle réfléchit à diversifier ses débouchés. Ainsi, avec une dizaine d’autres éleveurs, elle va relancer une petite filature, pour répondre à la demande en fil de soie d’autres industriels locaux. « Selon les développeurs de la filière, nous pourrions installer entre 30 et 300 producteurs, en activité principale ou en diversification, offrant ainsi une réelle chance pour notre bassin d’emploi », ajoute-t-elle.

En plus de son travail quotidien en magnanerie et pour l’entretien de ses vergers, Adeline Journot partage son savoir en accueillant des stagiaires souhaitant s’installer dans la filière. « Cela me plaît beaucoup de participer à la recréation d’une filière inscrite dans le patrimoine régional, déclare-t-elle. Ce n’est pas seulement de l’agriculture, c’est aussi du social et de l’humain. »

— Aude BRESSOLIER (Tribune Verte 3046)
Plus d’infos : magnaneriedescevennes.fr.